Véranda, terrasse, cabanon… Les aménagements réalisés sur des parties communes à jouissance privative sans autorisation préalable de l’assemblée générale posent régulièrement des problèmes juridiques en copropriété. Dans un arrêt du 30 avril 2024, la Cour d’appel de Caen[1] rappelle que de telles installations sont en principe irrégulières, mais que leur démolition ne peut être ordonnée que si elle n’est pas disproportionnée au regard des circonstances de l’affaire.
Un statut particulier pour les parties communes à jouissance privative
L’article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965 définit les parties communes à jouissance privative comme des parties appartenant à tous les copropriétaires, mais dont l’usage est réservé à un seul lot. Ce droit est accessoire au lot, sans en faire une partie privative.
Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation[2], même un copropriétaire disposant d’un droit d’usage exclusif sur une partie commune doit obtenir l’autorisation de l’assemblée générale pour effectuer des travaux (article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965)[3].
L’affaire portée devant la Cour d’appel de Caen
Des copropriétaires avaient réalisé, sans autorisation, deux installations :
- Une extension en garage-buanderie au rez-de-chaussée,
- Un cabanon de jardin sur une partie commune à usage privatif.
Deux autres copropriétaires ont demandé en justice la démolition de ces ouvrages. La Cour d’appel de Rennes avait rejeté leur demande pour prescription. Mais la Cour de cassation a annulé cette décision, renvoyant l’affaire devant la Cour d’appel de Caen.
Prescription : un délai de 30 ans confirmé
La Cour d’appel a rappelé que les actions visant à mettre fin à une appropriation illicite de parties communes sont soumises à la prescription trentenaire (30 ans), en vertu de l’article 2227 du Code civil[4].
Cela les distingue des actions personnelles entre copropriétaires, soumises, elles, au délai de 5 ans prévu à l’article 42 de la loi de 1965. Les demandes de remise en état ont donc été jugées recevables.
Une appréciation au cas par cas de la démolition
Les juges ont ensuite étudié les demandes de démolition avec une application nuancée du principe de proportionnalité.
✅ Démolition du cabanon de jardin
Ordonnée, car la construction constituait en soi une appropriation illicite d’une partie commune, même sans préjudice prouvé, et indépendamment de son emprise.
❌ Rejet de la démolition du garage-buanderie
Refusée, la Cour ayant considéré que la mesure serait disproportionnée, en raison :
- De l’ancienneté des travaux (près de 20 ans),
- De l’obtention d’un permis de construire,
- De l’absence de préjudice démontré,
- Et du silence prolongé des plaignants.
La Cour s’est appuyée sur l’article 1221 du Code civil, qui autorise le juge à refuser une exécution en nature lorsqu’elle aurait un coût manifestement excessif pour le débiteur de bonne foi.
Notre conseil : agir vite et avec vigilance
Pour éviter que des situations irrégulières deviennent irréversibles, le syndic doit :
- Identifier et signaler sans délai les travaux irréguliers,
- Informer le conseil syndical,
- Et solliciter l’avis de l’assemblée générale le cas échéant.
Une inaction prolongée peut affaiblir juridiquement les demandes de remise en état.
Sources :
[1] CA de CAEN, 1ère chambre civile, 30 avril 2024, n°22/03005
[2] Civ. 3ème, 23 janvier 2020, n°18-24.676
[3] Article 25 b) loi du 10 juillet 1965
[4] Article 2227 du Code civil ; article 42 de la loi du 10 juillet 1965
[5] Civ. 3ème, 18 juin 1975 ; 25 novembre 1998 ; 15 décembre 1999 ; 20 novembre 1996 ; 17 juin 1997 ; 4 novembre 1999
[6] Civ. 3ème, 17 avril 1991
[7] Civ. 3ème, 15 janvier 2003 ; CA de Paris, 19 novembre 1997 ; 26 septembre 2002
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